Ateliers collectifs « Parole & Prévention » pour Mineurs Non Accompagnés

Objectifs résumés
Les ateliers "Parole & Prévention" de Médecins du Monde (MdM) proposent de repenser la prévention en créant un modèle de prévention santé et renforcement psychosocial dans le but de promouvoir ici le bien-être et la santé globale des MNA. Animés par des adultes mais coconstruits avec eux, il s’agit d’un temps d’échange ludique et de construction par le groupe qui renforce leur capacité à agir et à mettre en place par eux-mêmes des solutions à leurs problèmes, dans une logique d’empowerment.

Le porteur de projet

Coordonnées de la structure :

Médecins du Monde
15 boulevard de Picpus
Julien Boyé, Coordinateur du programme MNA
Paris 75012
Type de structure :
Autre

Coordonnées du contact :

Négré Victoria
Qualité : Chargée de projet
Téléphone professionnel : 01 43 14 81 79
Courriel professionnel : victoria.negre@medecinsdumonde.net

Contexte

L’origine
Ces ateliers sont nés du constat que les consultations de prévention individuelles en place depuis 2015 avaient peu d’impact sur les Mineurs Non Accompagnés (MNA) car l’éducation à la santé y était axée sur les infections sexuellement transmissibles et dispensée de manière transmissive (unidirectionnelle et descendante), ne permettant pas de répondre pleinement aux besoins et aux attentes des jeunes. De fait, ces informations abordées en tête à tête, par un(e) adulte loin des réalités culturelles, du vécu traumatique, ou des traditions collectives de leur pays d’origine, créaient une gêne chez les jeunes. Livrés à eux-mêmes, et en pleine rupture identitaire, la prévention restait centrée sur la dimension strictement médicale sans soutien psychosocial, pourtant indissociable eu égard à leur condition de vie et à leur parcours.

Une réflexion interne a alors été engagée pour éviter l’opposition "Sachant / Jeune" et développer un cadre adapté à leurs besoins médico-psychosociaux.

La finalité
Animés par une équipe pluridisciplinaire, ces ateliers ont une forte dimension de prévention. Le médecin de l’atelier explique certaines maladies, et démystifie les examens (prise de sang, scanner, etc.) souvent source de grande angoisse. Parler ensemble de leurs expériences est une manière de se rassurer et de se soutenir. Il s’agit aussi de permettre aux MNA un renforcement psychosocial par le groupe, de les sortir de l’isolement par la rencontre de pairs, et de les autonomiser faces aux nombreuses difficultés de leur situation. Sur le plan social, les animateurs déconstruisent certaines croyances sur leurs droits et l’accès à la santé en France, les structures de droit commun et associatives adaptées.

L’implication de professionnels de santé somatique et psychique permet aussi de détecter les fragilités, et de les orienter vers des aides adaptées du programme MNA. Ainsi, plusieurs états anxieux, dépressif, des cas d’isolement ou de violences subies ont pu être décelés.

La description du projet
Coanimés par un médecin généraliste, un psychologue et un accueillant, ces temps hebdomadaires offrent un espace d’expression et d’échange aux MNA. Sous un prétexte ludique, les jeunes sont amenés à discuter librement de leur vécu et conditions de vie, mais aussi à aborder des questions de santé. Face à leur grande précarité, le but est d’instaurer un espace de confiance, de parole et d’écoute, sans jugement, et sans position de "sachant". Ainsi, jeunes et animateurs réagissent à une carte "affirmation" tirée au hasard, d’abord en votant via des pictogrammes (d’accord/pas d’accord/ne sais pas), puis en échangeant leurs opinions. Pour favoriser le lien, les jeunes sont amenés à se traduire mutuellement, et à accueillir les nouveaux. Les animateurs favorisent la circulation de la parole, abordent les sujets médicaux, et repèrent les fragilités de certains pour les réorienter au sein du programme.
Les thèmes abordés sont adaptés à la diversité des besoins et à la vie des MNA.

Les acteurs
Née à MdM, la conception du projet s’est enrichie de rencontres avec d’autres acteurs spécialisés de la prévention santé et des MNA : la Direction de l’Action sociale de l’Enfance et de la Santé de Paris (2015), ainsi que Solidarité Sida et le CRIPS (2016). Les autres programmes dédiés aux mineurs étrangers de MdM ont été consultés. Ces échanges ont fait émerger l’absence de lieu ressource ou d’outil réellement adapté aux MNA.

Pour cerner les besoins et impliquer directement les jeunes du programme, des temps d’échanges ont été organisés par l’assistante sociale du programme (2016) pour faire un état des lieux sur les connaissances et attentes de ces jeunes en matière de prévention et analyser les lacunes des supports de prévention existants. Ces échanges ont dévoilé les éventuelles barrières culturelles, représentations et savoirs, et la réalité de leurs attentes et de leurs besoins, ce qui a permis de créer un outil de prévention au plus proche de leur réalité et de leur situation.

Les axes prioritaires :

  • Axe 1 : Renforcer et préserver l’accès à la santé – y compris à la prévention – pour tous, notamment par une information adaptée aux personnes vulnérables (mineures, majeures protégées, en perte d’autonomie, souffrant de troubles psychiques, intellectuellement déficientes) analphabètes ou illettrées, étrangères primo-arrivants dont les femmes et les bénéficiaires de la protection internationale, placées sous main de justice, à faible niveau de littératie, etc.

La réalisation

La mise en œuvre
Outre la réflexion de fond avec les acteurs rencontrés sur la nature du support à créer (privilégiant le ludisme, l’oralité, le collectif, l’échange à partir du savoir du jeune et abordant la prévention au sens large), la conception a nécessité un travail de rédaction en interne impliquant médecins, psychologues, et travailleurs sociaux. Ainsi les cartes "affirmation" ont fait l’objet de multiples ajustements reprenant les conceptions récurrentes et éléments de langage des MNA rencontrés dans le programme, afin d’aborder des sujets au plus près de leur réalité sans gêner leur expression. Au final, 242 cartes (cf. PDF Annexe 4 p41) couvrent plusieurs thèmes propres aux préoccupations et aux parcours des MNA tels que : dépistage&vaccination, sexualité, vie dans la rue, violence, humeur, parcours migratoire vie amoureuse, addictions, codes culturels etc. Un temps d’analyse a été nécessaire afin de constituer les profils des animateurs et d’établir la temporalité adaptée à ce temps dédié.

Projet initié en :
2016

Projet mis en œuvre en :
2017

Comment et combien ?
La conception des ateliers a été portée par les salariées du programme, appuyée par les bénévoles, et financièrement supportée par MdM.

La tenue des ateliers nécessite 3 animateurs dédiés dont 1 médecin, 1 psychologue, et 1 accueillant. Elle requiert aussi l’impression de l’ensemble des 242 cartes, ainsi que 3 cartes pictogrammes par personne.

Chaque atelier s’accompagne d’un temps d’accueil avec boisson chaude et biscuits, et se termine avec une mise à disposition de produits de prévention et d’hygiène (préservatifs, shampoing, dentifrice, mouchoirs, rasoirs etc.). Ces éléments contribuent à l’envie de ces jeunes, désorientés et isolés, de participer aux ateliers mais permet surtout de parler de prévention tout en leur apportant les moyens de préserver leur santé.

Nous mettons librement à disposition de tous les acteurs tous les documents de réflexion, et les supports de jeu déjà créés.
Sur cette base, la mise en place de nouveaux ateliers est aisée et à un coût quasi inexistant.

La communication
Dans son rapport "C’est bien qu’on nous écoute" (p46), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés souligne l’utilité mais aussi le caractère "innovant", précisant que l’initiative "pourrait servir d’éventuel modèle à dupliquer". Ce rapport et les ateliers ont été présentés en décembre 2018 à l’Assemblée Nationale sous le haut-patronage des députées Wonner et Bagarry.

Le projet a été partagé à l’ensemble des acteurs et à nos partenaires opérationnels qui se sont montrés très intéressés par cette approche de la prévention et par un accompagnement à la mise en place de tels ateliers au sein de leur structure.

Un retour d’expérience a été publié par InfoMIE, centre de ressource sur les MNA, aux 50 organisations et institutions partenaires et a été présenté lors d’un groupe de travail sur la prévention des MNA.

Nous recevons depuis des sollicitations extérieures pour présentation dont la Maison de Solenn– spécialisée dans l’accueil des adolescents, la PASS de l’Hôtel Dieu.

Et après

Les résultats
Ces ateliers reposent sur 3 dimensions essentielles.
D’abord, une démarche participative de l’usager lui-même. Ici les MNA sont davantage acteurs et impliqués dans la préservation ou l’amélioration de leur santé qu’en prévention individuelle.
De plus, les ateliers prennent en compte l’environnement de l’usager. Echanger sur les lieux de ressources aident les MNA à trouver des moyens d’agir sur leur environnement pour limiter les risques pour leur propre santé.
Enfin, ils associent une dimension de renforcement psychosocial à la prévention santé. Ils ont un impact concret sur l’état de santé et le bien-être des MNA en les renforçant psychologiquement et en développant des aptitudes essentielles pour se protéger face à l’isolement et aux dangers rencontrés.

Par ses fondements, ces ateliers peuvent être ajustés à d’autres usagers précaires. L’obtention d’un label Santé et Prévention, développerait la reconnaissance de ces ateliers et apporterait une meilleure visibilité au public MNA.

Evaluation et suivi
L’évaluation s’effectue aussi bien de manière qualitative que quantitative.

Tout d’abord, après chaque atelier un débrief a lieu avec les MNA, puis sans eux, sur les ressentis, échanges et obstacles rencontrés. Suite à cela des modifications sont apportées aux cartes du jeu et aux pratiques pour fluidifier les échanges et adapter la posture des intervenants.

Un suivi statistique hebdomadaire est réalisé (participation, cartes utilisées, verbatim etc), en moyenne chaque année il y a 25 ateliers pour 171 participants.

En 2019 MdM a décidé de réaliser un document pour transmettre l’expérience de cette méthode innovante aux différents acteurs dédiés.

Enfin, après 3 ans d’existence, les ressentis des MNA bénéficiaires, les observations des salariées et bénévoles (augmentation de l’assurance, de l’ouverture et de l’autonomie des jeunes, création d’une réelle solidarité au sein du groupe,etc) et le retour des partenaires ont été très favorables. Ceci confirme la pertinence de cet atelier.

Quelques conseils et témoignages
Les ateliers nécessitent une organisation interne précise : il est nécessaire de contacter les MNA en amont pour s’assurer de leur mobilisation, les intervenants doivent être avertis si certains sujets doivent être évités ou privilégiés en fonction de la présence de certains jeunes. En cas d’alerte sur une fragilité décelée au cours des ateliers, il est nécessaire d’avoir les ressources professionnelles adaptées pour qu’elles puissent prendre le relais de manière individuelle.

Pendant les ateliers, il est important de rester en position d’écoute et non de "sachant" mais aussi de privilégier les échanges et traductions entre les MNA afin de favoriser l’impact de la prévention et du renforcement psychosocial. Pour la même raison, et compte tenu des violences subies, il semble plus adéquat qu’ils soient réalisés sous forme non mixtes pour pouvoir aborder plus librement certains sujets compliqués de manière plus appropriée.

Les témoignages des MNA sont joints au dossier (cf.PDF p27-32).