Expérimentation d’une démarche de Réduction des Risques liés à l’Alcool

Objectifs
Diminuer la consommation d’alcool dans une structure d’accueil et d’hébergement de personnes en situation de grande précarité (Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale, CHRS)

Le porteur de projet

Coordonnées de la structure :

ANPAA 75
13 rue d’Aubervilliers
Paris 75018
Type de structure :
Association

Coordonnées du contact :

LANQUETTE Alice
Qualité : Animatrice de prévention
Téléphone professionnel : 01 46 06 26 00
Courriel : alice.lanquette@anpaa.asso.fr

Contexte

L’origine
Depuis 2002, l’ANPAA75 mène un travail de prévention en direction du public précarisé car il nous semble nécessaire d’aller vers un public qui est en marge des dispositifs généraux de prévention, bien qu’il soit particulièrement exposé à la problématique alcool du fait de situations sociales propices à la consommation. L’ANPAA et EMMAÜS Solidarité ont, par leur partenariat, fait émerger le constat suivant : l’alcool est presque systématiquement banni des centres d’hébergement, à des fins de régulation du climat social et de prévention des incidents ; or généralement, les effets de cette interdiction sont : -des consommations massives et visibles sur l’espace public -que les personnes les plus dépendantes arrivent dans les structures fortement alcoolisées pour ne pas avoir à boire à l’intérieur au risque d’être expulsées -que les personnes fortement alcoolisées sont souvent auteurs de violences physiques et verbales, - qu’elles sortent la nuit pour consommer…

La finalité
Cette démarche avait pour objectif de favoriser la Réduction des risques liés à l’alcool dans une structure d’hébergement de personnes en situation de précarité ; et ce via l’idée novatrice d’autorisation encadrée de consommation. La finalité est de permettre la diminution des consommations des personnes hébergées, mais aussi de renouer le dialogue entre l’équipe de professionnels et le public accueilli autour de la consommation, en ôtant un tabou faisant obstacle à la prise en considération du problème. L’objectif concerne : -les personnes accueillies, leur bien-être et leur santé, de manière individuelle ; -le bien-être collectif et le climat social ; -l’accompagnement des professionnels dans leurs pratiques quotidiennes.L’autre finalité sous-jacente de permettre son déploiement au sein d’autres structures d’hébergement social, par une modélisation et une diffusion de bonnes pratiques, applicables dans les centres et transposables dans les règlements de fonctionnement des centres.

La description du projet
1. Diagnostic partagé auprès de tous les salariés et de 18 résidents.
2. Formation-action (4 jours) auprès de toute l’équipe
3. La co-construction des changements avec le groupe projet (professionnels et résidents)
4. Expérimentation de l’autorisation encadrée de consommer de l’alcool dans les parties privatives pendant 1 mois
5. Evaluation de l’expérimentation
6. Inscription du changement dans le règlement de fonctionnement du CHRS

Les acteurs
L’ANPAA 75 est à l’initiative de ce projet. De par l’antériorité du partenariat, l’ANPAA a sollicité la Mission santé d’Emmaüs Solidarité qui a mobilisé la structure. La mobilisation de la structure a d’abord commencé par la mobilisation de l’ensemble de l’équipe, puis des hébergés, notamment à travers la rencontre régulière du CVS et l’animation d’ateliers collectifs.

Les axes prioritaires :

  • Renforcer et préserver l’accès à la santé – y compris à la prévention – pour tous, notamment par une information adaptée aux personnes vulnérables (mineures, majeures protégées, en perte d’autonomie, souffrant de troubles psychiques, intellectuellement déficientes…), étrangères, placées sous main de justice… ;

La réalisation

La mise en œuvre
Même s’ils n’ont pas été partie prenante de la décision de cette expérimentation, les usagers ont ensuite pris une place active dans le processus.
Ils ont d’abord été sollicités à travers le diagnostic partagé. Lors de cette étape, ils ont été concertés. Puis, petit à petit, en travaillant avec les professionnels, en les rassurant mais aussi en rencontrant régulièrement les usagers à travers l’animation d’ateliers collectifs, la confiance s’est créée, et ils ont pu prendre une place encore plus active allant jusqu’à la co-construction, lors de l’élaboration du processus d’expérimentation du changement de règlement de fonctionnement, l’analyse des résultats voire jusqu’à la co-décision : décider, avec l’équipe, de modifier le règlement de fonctionnement.

Projet initié en :
2015

Projet mis en œuvre en :
2016

Comment et combien ?
 2 animateurs de prévention ont été mobilisés sur le projet
 1 attachée de direction a été mobilisée sur le projet
Environ 40 000 euros pour 2 ans d’expérimentation financées par la MMPCR, l’ARS Ile-de-France et la MILDECA Ile-deFrance.

La communication
Le projet a d’abord été valorisé au sein des deux associations partenaires, lors de réunions et comités de direction ; car l’intention est de pouvoir modéliser et transposer cette expérimentation dans d’autres centres d’hébergement. Une communication a été faite auprès de la Fédération des Acteurs de la Solidarité/ FNARS ; ce qui a permis la production d’une plaquette diffusée lors d’un colloque organisé par la FNARS en juillet 2017, ainsi que pendant une séance plénière. L’expérimentation a également été présentée lors d’une table ronde du congrès co-organisé par la Fédération des Acteurs de la Solidarité et la Fédération Addictions : « l’accueil inconditionnel au défi des consommations », le 9 octobre 2017. Enfin, l’ANPAA et EMMAÜS Solidarité seront invités par l’UNIOPSS lors de ses journées nationales d’avril afin de témoigner de ce projet lors d’une « agora ». Enfin, l’ANPAA est en train de travailler à une publication d’un guide d’une vingtaine de pages proposant une capitalisation

Et après

Les résultats
Cette expérimentation propose un véritable changement de paradigme pour les structures proposant un hébergement aux personnes sans abri et souffrant très majoritairement d’addiction à l’alcool : ne plus interdire pour mieux accompagner à la réduction des risques et la diminution de la consommation. Ce projet a des impacts sur les personnes hébergées, leur permettant d’améliorer leur santé, mais aussi leur bien-être social : baisse du sentiment de honte eu égard aux consommations, dialogue renoué, diminution du déni, (re)création du sentiment d’appartenance à un groupe. Ce sont là de véritables vecteurs de reconstruction individuelle, et par là des facteurs de réinsertion sociale. Ce projet a également des impacts sur des professionnels du social, souvent démunis et peu formés à la gestion du problème addictions et alcool (formation, analyse des pratiques…). Ce projet a des effets sur l’institution car il permet de créer les conditions de la mise en oeuvre d’une démarche de Rdr.

Evaluation et suivi
Nous avons construit un protocole d’évaluation « au fil de l’eau », ainsi qu’à des moments clés du projet, après la formation des professionnels, après les réunions de concertation avec les personnes hébergées, au moment du déploiement de l’action (changement du règlement de fonctionnement), puis à N+1 : questionnaires, guides d’entretiens collectifs…

Quelques conseils et témoignages
Le changement de paradigme et de pratiques induites par notre projet implique, de manière indispensable :
  que le projet soit accompagné, ou a minima que les porteurs du projet aient été formés à cette entreprise
  que les personnes hébergées soient parties prenantes du projet et du changement, afin qu’il soit compris, intégré et co-construit. Ce qui signifie que le projet soit adapté dans sa temporalité, car chaque centre d’hébergement vit une réalité qui lui est propre, tant du point de vue de l’organisation que de celle des profils de personnes accueillies
  que l’équipe au complet soit partie prenante du projet, et que la déconstruction des représentations précède à toute mise en œuvre pratique et que la hiérarchie de l’équipe soit a minima informée et ai consenti au projet ; voire qu’elle s’implique dans sa mise en œuvre